4e de couverture
Ce podcast est créé pour donner voix à des auteurs de talent. Il leur sert de tribune, le tout dans un cadre intimiste.
Si vous avez hâte de découvrir des créateurs authentiques et frais, vous êtes à la bonne place. Ici on donne vie à la 4e de couverture. C'est l'heure de l'auteur.
4e de couverture
E04 - Fanny Taillandier: Écrire pour comprendre l'ambiguïté humaine
L'imaginaire comme clé pour décoder le réel. Voilà ce qui anime Fanny Taillandier, agrégée de lettres, enseignante et romancière aux multiples distinctions littéraires. Dans cette conversation intime, elle nous dévoile comment ses romans naissent toujours d'une observation qui l'interroge, d'un élément du quotidien qui soulève des questions plus vastes.
Prenez "Farouches", où un simple sanglier visitant un jardin devient prétexte à explorer nos frontières, notre rapport à l'altérité, les questions environnementales et même la xénophobie. C'est tout l'art de Taillandier : partir d'un détail apparemment anodin pour tisser une réflexion profonde sur notre société. Son prochain roman, inspiré par le phénomène des "bébés tueurs à gages", prolonge cette démarche en s'intéressant aux adolescents pris dans la violence sociale, cherchant à comprendre plutôt qu'à juger.
Ce qui frappe dans sa démarche, c'est cette conviction que la fiction, même en inventant, nous permet de mieux saisir les nuances du monde. "Un roman, c'est une histoire. Ça peut être une histoire très simple, mais on aime lire des romans pour ce qu'elle nous donne comme accès au reste," nous confie-t-elle. Dans un monde polarisé où chacun affirme des vérités sans nuance, ses livres offrent cet "espace de doute" salvateur qui nous rappelle notre commune humanité. Une conversation qui nous invite à reconsidérer la puissance de l'imaginaire comme outil de compréhension du réel.
Contacter Fanny:
Moi, j'ai beaucoup appris de choses en lisant des livres, en lisant des romans. Lire des romans, ça permet de se mettre à la place, en fait, on vit les émotions d'autres gens Et ça, pour moi, c'est extrêmement important. Je crois que la littérature, ça permet de parler du présent d'une façon plus ambigüe que ce qu'on trouve dans le journal ou quand on écoute un débat politique, etc. Où, en fait, tout le en nuance, et j'aime bien. Seule solution pour finir un livre. Et le deuxième conseil, c'est de finir le livre. Quand on commence, il faut finir, et c'est très dur, mais en fait, un livre'existe pas tant qu'il n'est pas terminé. Non seulement il n'existe pas tant qu'il n'est pas terminé, mais il n'existe pas tant qu'on ne l'a pas fait lire. Donc, il faut avoir le courage d'aller jusqu'au bout de son idée, et même si on n'est pas sûr deain, c'est ça. Et quand on reconnaît que tout le monde est ambigu, on pense à soi-même. On est moins méchant qu'on juge les autres.
Jocelyne Sema:Oui, on pardonne plus facilement. Bienvenue sur 4e de couverture. Aujourd'hui, je suis avec Fanny Tailland. Bonjour Fanny. Bonjour Fanny, vous êtes agrégée de lettres enseignante et vous collaborez avec plusieurs magazines et médias, dont Libre Hebdo et Mouvement. Vous avez publié votre premier roman en 2013,.
Jocelyne Sema:Profession du monstre, qui revisite un peu de manière inhabituelle le thème du serial killer et qui vous a permis d'obtenir le prix littéraire des grandes écoles en 2014. Prix littéraire des grandes écoles en 2014. Depuis, trois autres romans et récits cinq, il me semble se sont ajoutés à votre bibliographie, si on ne compte pas, bien sûr, les multiples articles et textes courts, avec la poignée d'ouvrages collectifs, et puis les collaborations que vous avez à votre palmarès. Vous avez également eu d'autres prix, dont le prix Révélation de la société, des gens, de l'être, le prix Fénéon et le prix Virilon. J'espère que je n'en oublie pas. Alors, fanny, je me sens très, très privilégiée de vous recevoir aujourd'hui et je suis très, très heureuse que vous ayez accepté l'invitation. Merci de l'invitation. Alors, je vais aller tout droit, vraiment droit au but. Fanny, ma première question pour vous, c'est comment étaient vos vacances?
Fanny Taillandier:Mes vacances étaient excellentes. J'étais en Auvergne, dans le centre de la France, dans les montagnes. Je n'ai rien fait pendant 15 jours à part nager et marcher. C'était génial. Ça, c'est bon, Est-ce que c'était la région de mes grands-parents, mais j'y suis allée vraiment pour les vacances, ok.
Jocelyne Sema:Alors, revenons un tout petit peu aux livres, parce que c'est quand même un podcast littéraire, on va dire. Donc, ce que j'ai constaté, c'est que souvent, vos livres ont un petit peu sa part d'un événement, d'un lieu ou d'une observation très précise. Je prends l'exemple de la question de l'urbanisme, du patrimoine, et puis, of course, le profit serial killer. Donc, je me dis comment… Quelle est l'étincelle initiale qui se transforme en idée de roman pour vous? Comment est-ce que ça se construit, ce projet, dans votre esprit-là.
Fanny Taillandier:Ce n'est pas facile de répondre. En fait. Souvent, je ne sais pas, que Enfin, en fait, je ne réfléchis pas pour avoir l'idée, c'est-à-dire qu'il y a quelque chose qui, à un moment, me questionne. Donc ça peut être un lieu, effectivement, ou ça peut être un événement, et à partir de là, j'ai envie d'écrire dessus, mais je peux pas savoir à l'avance qu'est-ce qui va me poser question. Donc, ça se passe vraiment dans cet ordre là. C'est quelque chose dans le réel qui m'interroge et que je comprends en général pas très bien, et donc j'ai envie d'écrire et d'imaginer pour essayer de mieux comprendre. Donc, c'est plutôt dans cet ordre là que ça se passe.
Fanny Taillandier:Après, entre le moment où j'ai cette idée, c'est-à-dire où le réel me questionne sur quelque chose, et le moment où je commence le livre, il y a quand même toute une période où je me demande comment je vais aborder la question, parce qu'on peut pas, en fait, un roman, c'est parler de quelque chose, mais c'est en parler d'une certaine façon. Ça peut être un personnage qui parle, ou ça peut être un narrateur. Quel narrateur? Est-ce qu'il y a plusieurs points de vue en seul, etc. Et donc ça, c'est une réflexion qui peut être ensuite assez longue pour trouver vraiment la bonne note, la bonne fréquence pour parler de quelque chose.
Jocelyne Sema:Et c'est quoi votre processus, est-ce que oui, vous avez plusieurs questionnements sur plusieurs choses, disons, puis mettons une dizaine, quinzaine de choses, puis au fil du temps, au fil du développement, le nombre de sujets diminue, ou alors vous avez une idée fixe dès le début, une seule idée, et puis c'est vraiment vous focaliser sur cette idée-là jusqu'à la fin.
Fanny Taillandier:C'est plutôt ça. Oui, en fait, il y a quelque chose. Par exemple, je prends le dernier roman que j'ai fait Farouche. En fait, l'idée de départ, c'était de parler des sangliers qui viennent dans les espaces urbanisés par les humains Et en fait, donc, ça, c'était vraiment mon idée de départ. Mais sauf qu'une fois que j'ai commencé à travailler là-dessus, je me suis rendue compte que je pouvais parler de plein Et qu'en fait, il y a plein de thèmes qui viennent.
Fanny Taillandier:On dirait comme ça que c'est juste le sanglier qui vient dans le jardin, mais en fait, le sanglier qui vient dans le jardin des humains, c'est le sauvage qui vient dans le domestiqué, c'est une autre espèce qui vient chez l'espèce humaine. Donc, ça pose la question de la frontière, ça pose la question de comment on accueille ce qui est différent de soi, ça, ça pose la question de pourquoi on a urbanisé ou domestiqué des endroits qui étaient sauvages Et finalement, ça permet de parler de questions environnementales, ça permet de parler de xénophobie, de désir de sécurité, qui est, en France, quelque chose qui fait beaucoup de gens. Donc, en fait, ça s'élargit au fur et à mesure.
Jocelyne Sema:C'est vraiment drôle. Donc, ça parle juste d'un sentier qui arrive dans le jardin et on arrive à tout ça. C'est vraiment particulier, c'est drôle.
Fanny Taillandier:Je crois que c'est ça le roman. Ça peut être une histoire très simple, mais on aime lire des romans, pas pour l'histoire en tant que telle, mais pour ce qu'elle nous donne comme accès au reste Sinon donne comme accès au reste Sinon. On lit des essais. En fait, si on lit des romans, c'est plutôt pour avoir une histoire simple qui donne comme une fenêtre sur d'autres choses.
Jocelyne Sema:Et justement, comment est-ce que vous délimitez ces ramifications? Parce que, oui, à partir de cet événement anodin, on va dire on peut aller presque partout. À quel moment vous dites OK, bon, j'arrête à l'humanisation, ou bien j'arrête à, je ne sais pas, moi j'arrête ici, c'est juste ça que je couvre.
Fanny Taillandier:Après, c'est aussi le roman qui va décider lui-même, parce qu'un bon roman, je crois que ce n'est pas un roman qui raconte tout, c'est un roman qui amène quelque part, et le plus large il est, le mieux c'est. Mais en attendant, c'est quand même, à un moment donné, l'intrigue, les rapports entre les personnages, les événements qui ont lieu dans la fiction qui vont limiter les choses, parce que sinon, effectivement, en fait, on peut raconter des choses qui se passent sur 10 ans, sur 20 ans, et il y a des romans qui existent qui sont comme ça. Mais moi, ce que j'aime, c'est aussi l'histoire. Il y a, en fait, quand je finis un roman, il y a plein de passages que je coupe parce que je me rends compte que ça nuit au rythme, ça nuit à la compréhension de l'intrigue et, en fait, je peux pas les garder, et donc, là, ça fait un tri et cette fois, c'est le roman qui vient sélectionner ce qui l'intéresse. Donc, c'est moi qui décide.
Jocelyne Sema:Et d'où vous vient cette piqûre? des lettres de l'écriture.
Fanny Taillandier:Moi, j'ai toujours aimé lire, dès toute petite. J'ai appris à lire même avant d'arriver au CP. J'avais tout de suite vraiment beaucoup de curiosité et d'appétit pour ça. Et puis après, très vite, j'ai commencé à écrire. J'avais une classe.
Jocelyne Sema:Waouh. Oui 8 ans. C'est quoi? C'est fait eux deux, je pense.
Fanny Taillandier:C'est ça exactement. Et donc, elle nous avait fait, Elle avait fait venir un auteur de détective, quoi, qui nous avait expliqué comment il travaillait, et ensuite, on a écrit ça en classe Et moi, j'avais adoré ce truc-là Et à partir de là, c'était très clair pour moi que c'est ce que je voulais faire. Et puis, après, j'ai cru que ça ne serait pas possible, parce que quand on grandit, évidemment, on se rend compte que c'est un choix qui n'est pas forcément simple. Mais finalement, j'ai fait la fac de lettres et j'avais le temps d'écrire à côté des cours, donc j'ai commencé comme ça. Et puis, de fil en aiguille, j'ai trouvé un éditeur.
Jocelyne Sema:Et puis, on perçoit un peu beaucoup une grande rigueur dans la documentation de vos œuvres. Puis je me demandais c'est quoi la place dans tout le processus d'écriture, c'est quoi la place de la recherche dans tout ça? Je suppose que c'est la majorité, mais qu'est-ce que ça vous prend?
Fanny Taillandier:en temps. Ça, ça dépend un peu des projets, c'est-à-dire que si c'est Farouche, par exemple, je me suis documentée, j'ai lu des choses sur l'histoire de la côte méditerranéenne, mais quelque part, ce n'était pas grave si je disais des choses approximatives. Après, quand c'est vraiment un travail documentaire, comme Delta ou le lotissement là, vraiment un travail documentaire comme Delta ou le lotissement là, il est très important que le lecteur ou la lectrice puissent ensuite se saisir de ce que je dis et être sûr que je ne dis pas n'importe quoi, que je transmets vraiment ma connaissance. Et comme moi, comme je disais, c'est toujours une interrogation qui m'amène à écrire. Dans le cadre de cette interrogation, je lis, je cherche et je trouve des réponses. Ça me plaît beaucoup. Donc, effectivement, c'est quelque chose qui prend beaucoup de place.
Fanny Taillandier:Mais plutôt, avant de commencer l'écriture, c'est plutôt d'abord un travail de lecture où je lis des ouvrages sur des questions Et une fois que moi-même j'ai digéré ce que j'ai lu, ça peut ressortir dans mes livres. Mais oui, pour moi, c'est très important parce que je ne fais pas de la fantaisie, je fais quand même des livres qui sont toujours ancrés dans la réalité contemporaine. Donc, c'est très important pour moi de ne pas parler seul et aussi de reconnaître. C'est pour ça que je le mets dans les livres. Je pense que la plupart des auteurs et autrices se documentent beaucoup, mais moi, ça me paraît très important de le dire et de citer les livres qui m'ont aidé, parce que c'est comme ça que les livres existent aussi, c'est quand on continue à les utiliser, à les citer.
Jocelyne Sema:Et dites-moi en moyenne, entre le moment où l'interrogation jaillit dans votre esprit puis le moment où le livre est publié, Il se passe combien de temps en moyenne?
Fanny Taillandier:En moyenne, on recouvre des grandes disparités parce que sur un roman, ça peut être très rapide. J'en ai fini un que j'ai commencé. J'ai dû mettre un an à l'écrire et là il sort en janvier. Donc ça fait en tout un an et demi. Par les écrans du monde sur le 11 septembre, ça a duré 5 ans, ou 6 ans, parce qu'en fait le temps que moi-même je comprenne tout ce qui s'était passé au moment des attentats du Warfight Center, il fallait que je lise tout ça et ensuite il fallait que j'invente une. Et après, il y a aussi le délai de l'éditeur, parce que des fois, les éditeurs, ils ont le temps, tout de suite, ils ont de la place, et des fois, ils disent il y a un an avant de pouvoir sortir un livre, parce que le programme est plein. Donc, c'est assez variable, mais moi, je crois que ça va assez vite. Il n'y a pas trop de marques choisies.
Jocelyne Sema:Justement, vous parliez d'éditeur tout à l'heure, et puis je me suis dit ok, entre le moment où vous avez démarché un éditeur pour le premier livre et maintenant vous avez dit vous avez fini un livre là tout de suite, avec tous les prix que vous avez reçus, comment ça a facilité le processus beaucoup facilité.
Fanny Taillandier:Au début, j'ai fait comme la plupart des gens, c'est à dire que j'ai imprimé mon texte et je l'ai photocopié, et je suis allée de maison d'édition en maison d'édition pour le donner, parce que je voulais économiser les frais d'envoi postal En fait, ça coûte quand même cher Et puis je n'avais que des noms, je le donnais dix fois et j réponses non.
Fanny Taillandier:Et puis j'ai fait ça au moins pour deux livres et le troisième livre, en fait, j'avais commencé à faire des articles pour Livret de Dieu, et donc, j'avais quand même un peu rencontré des éditeurs et des éditrices et là, du coup, j'avais pu l'envoyer directement à quelqu'un que j'avais déjà rencontré. Donc, là déjà, ça a été une première facilitation, on va dire, puisque j'en voyais plus au hasard à la maison en entier et j'en voyais directement à une éditeur. Mais ça n'a encore pas marché pour ce livre-là, elle n'a pris que celui d'après, et maintenant, c'est sûr que là, le roman qui va sortir, ce n'est pas chez l'éditeur que j'ai fait pour le précédent, et, en fait, j'ai écrit à l'éditeur en lui disant que moi, je ne suis plus débutante, c'est beaucoup plus facile.
Jocelyne Sema:Est-ce que ça influence aussi votre travail? Est-ce que vous sentez qu'il y a plus de pression parce que vous avez eu des prix? Est-ce que vous sentez que vous devez à chaque fois augmenter la qualité de ce que vous sortez?
Fanny Taillandier:Alors ça, je l'ai cru Et, en fait, effectivement, ça me mettait une pression et une angoisse très grande. Et puis, en fait, je me suis rendu compte que ça ne peut pas…. Enfin, ce n'est pas logique de réfléchir comme ça, parce qu'en tant que lecteur ou lectrice, quand on aime les livres d'un auteur, on ne se demande pas s'il faut les lire dans l'ordre chronologique ou si, en fait, on prend ce qu'on trouve et puis on en lit un autre. Puis, il y en a qu'on aime bien, d'autres qu'on aime moins Et moins. Et en fait, moi, en plus, ce que j'écris d'un livre à l'autre, c'est très différent. Il y a des auteurs qui sont très reconnaissables. Moi, je crois pas que ça soit le cas. Je change un peu de forme, etc. Donc, en fait, les livres, ils trouvent leur chemin, et ça sert à rien que moi, je me mette la pression en me demandant si je vais être meilleure, d'autant que, en fait, ça se passe pas comme ça, ni dans l'économie du livre, ni dans la postérité, c'est-à-dire que mes livres, ils vont rester. Certains peut-être vont rester longtemps, d'autres vont rester pas longtemps. Certains vont être importants, peut-être, comme je sais pas. Par exemple, monique Wittig.
Fanny Taillandier:elle a écrit, personne ne l'a côté, au quotidien avec les éditeurs, il y a des choses très prosaïques qui entrent en ligne de compte. Il y a beaucoup d'attention sur les premiers livres parce qu'on cherche la nouvelle perle, la nouvelle révélation, et puis, après, il y a un espèce de creux, parce que vous avez déjà fait votre premier livre, mais vous n'êtes pas encore vraiment confirmé, donc vous recevez moins d'intérêt. Donc, ça non plus, c'est pas des choses que je peux mesurer, moi. Tout ce que je peux faire, en fait, c'est essayer de faire le mieux possible ce que je fais et me dire je fais mon travail sincèrement et je vais jusqu'au point où je sens que je suis au maximum de ce que je peux donner, aussi long que je puisse le faire.
Fanny Taillandier:Mais moi, j'ai toujours envie de faire. J'ai toujours l'impression que le prochain sera mieux, parce qu'évidemment, quand on commence et qu'il n'est pas là, il paraît formidable de le faire. Puis après, une fois qu'on l'écrit, on se rend compte que c'est plus difficile. Mais j'ai arrêté de me mettre la pression sur une carrière, une reconnaissance demain, et peut-être que si demain, j'avais le prix Goncourt, après je n'aurais plus jamais aucun prix, parce qu'une fois qu'on a eu le Goncourt, en général, exact. Donc voilà, Et rétrospectivement.
Jocelyne Sema:Selon vous, oublions les prix. Selon vous, quelle est l'œuvre? C'est difficile. Souvent les auteurs ne veulent pas répondre à cette question, mais quelle est pour vous l'oeuvre la plus aboutie?
Fanny Taillandier:Allez votre top 1 de tous vos Ça dépend, la plus aboutie en travail, la plus aboutie en reconnaissance? Celle qui vous rend le plus fière, celle qui me rend le plus fière. C'est vraiment difficile.
Fanny Taillandier:Si vous recommanderiez un livre de vous à quelqu'un alors ça, justement, je change en fonction de qui me demande. c'est vrai, parce que, en fait, quand je fais un livre sur la Camargue, assez documentaire, avec les enjeux écologiques, historiques, etc. ça n'intéresse pas forcément, tout le monde n'aime pas lire les mêmes choses. et après, quand j'écris Farouche, qui est plus un roman un peu fantastique, ça peut plaire à des lecteurs qui n'aimeraient pas l'autre, etc. donc, moi, un peu fantastique, ça peut plaire à des lecteurs qui n'aimeraient pas l'autre. Quand je connais les gens, j'essaye de leur proposer, de leur dire j'ai fait ça et ça et ça, parce que, vraiment, mes livres sont très différents, parce que je n'aime pas l'idée de faire toujours le même exercice. Moi, ce qui me plaît, c'est de changer. Le premier, c'était sur un serial killer. Le premier, c'était sur un serial killer, ça s'inspirait un peu de l'univers du polar ou du roman noir.
Fanny Taillandier:Après, je suis passée par Les Éfondrements, donc, quelque part, c'est un roman historique, puisque c'est les événements de septembre 2001. Donc, aujourd'hui, c'est de l'histoire Farouche, c'est fantastique. Là, le roman qui va sortir, ce sera plutôt un roman à nouveau proche du roman noir, mais un peu road movie, etc. J'essaye de changer. en fait, j'essaye de multiplier les approches et de rendre hommage à tous les styles que j'aime. Donc, c'est très difficile de dire Après. je sens que je progresse, je sens que je pense que le roman qui va sortir est meilleur en termes de roman, l'histoire est mieux amenée. Mais ça, c'est comme si j'étais dans l'artisanat. Évidemment, si je faisais des meubles, par exemple, mes meubles aujourd'hui seraient meilleurs que mes meubles il y a 10 ans, juste parce que la pratique, donc je ne sais pas Après. je les aime un peu tous, mais il y en a qui sont un peu plus réussis que d'autres. c'est vraiment impossible de répondre à cette question.
Jocelyne Sema:Et pour le livre que vous êtes en train de sortir. Est-ce que vous êtes déjà autorisé à en parler un tout petit peu ou c'est encore un peu secret?
Fanny Taillandier:Oui, je peux en parler un peu Après. Il n'est pas encore imprimé. Il sort en janvier. Est-ce qu'on a une ébauche de titres? Alors, ça, justement, c'est encore en débat. On doit décider d'ici la fin de la semaine avec l'éditrice. Donc, je vais entendre un peu plus.
Jocelyne Sema:Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus du contenu de l'intrigue? Vous avez dit que c'est plus abouti en thème de roman.
Fanny Taillandier:En fait, c'est un livre qui est parti de faits divers qu'il y a eu plusieurs fois en France sur les deux dernières années et qui ont fait un peu de bruit dans la presse le phénomène de ce qu'ils ont appelé les bébés tueurs à gages. donc, en fait, des très jeunes garçons. en général, c'est des garçons. il y a quelques films des très jeunes garçons qui sont recrutés par des mafieux, par des trafiquants, souvent pour commettre des assassinats, en fait ciblés, et donc j'étais tombée sur une histoire comme ça et je me disais livre n'est pas un livre sur ce qui s'est réellement passé ou ce qui se passe réellement, ce n'est pas une chronique policière. mais je suis un peu partie de ça dans le sens où le livre commence, c'est raconté par deux personnages qui sont un garçon et une fille qui ont 17 ans et qui sont en train de terminer leurs études.
Fanny Taillandier:Le garçon est en dernière année pour devenir électricien et son amoureuse, elle, est plutôt dans les filières qui permettent de devenir soignante ou infirmière Et, en fait, la jeune fille tombe enceinte. Donc, ils sont très contents d'accueillir le bébé, mais elle, elle vit chez sa mère, qui n'est pas trop d'accord avec le fait qu'elle ait un copain Et lui, il n'a pas du tout de famille. Donc, en fait, lui commence à se dire il faut que je trouve de l'argent, et il faut que je trouve de l'argent pour accueillir le bébé, pour acheter une poussette. Et sur ce, il y a un de ses copains de classe qui lui dit je suis tombé sur Snapchat, sur une annonce qui cherche quelqu'un pour conduire la voiture, toi tu sais condu. Et donc ça part de là.
Fanny Taillandier:Et après, je ne veux pas raconter toute l'histoire, mais la question, c'est comment vont faire ces jeunes pour se tirer de ce pétrin de corps. Mais après moi, ce qui m'intéressait là-dedans, c'est d'imaginer le point de vue qu'on peut avoir à 17 ans, quand on tombe dans un monde si violent que celui qui est le nôtre aujourd'hui, et qui est violent évidemment, d'autant plus violent qu'on n'a pas de famille, qu'on est dans un milieu économique précaire, et comment on fait pour se tirer de là et rester dans quelque chose de positif et de faire de la place à l'amour, à la naissance.
Fanny Taillandier:C'est un livre qui a de l'espoir en lui. Il y a de l'espoir en lui, Il y a de l'espoir Là. Je ne veux pas raconter comment ça se passe, mais pour moi, c'est important de ramener un peu d'espoir aussi là-dedans.
Jocelyne Sema:Comment vous nourrissez votre intuition, votre inspiration? Est-ce que vous abrevez d'actualité ou vous laissez vraiment les événements venir à vous, les informations venir?
Fanny Taillandier:à vous. De toute façon, dans le monde tel qu'il est, l'actualité, on l'apprend. C'est très difficile de ne pas savoir ce qui se passe. D'inviter, oui, c'est même presque un problème, parce qu'on en prend tellement et ça provoque tellement d'émotions, quand même le plus souvent négatives, qu'aprèsaprès c'est difficile d'avoir de l'élan pour inventer quelque chose. Je ne sais pas. En fait, encore une fois, des fois, il y a des choses qui m'intriguent et cette histoire-là, elle m'avait intriguée. Moi, j'enseigne depuis presque 15 ans. Donc, les jeunes, je les connais bien, je les connais comme on connaît quand on est proche, c'est-à-dire qu'on a une connaissance intime, et ce n'est pas des liens d'amitié, etc. Mais enfin, ce n'est pas un concept pour moi, c'est des gens incarnés, etc. et pour qui j'ai beaucoup d'affection, parce que quand on enseigne, on a de l'affection pour ces élèves. Et en fait, je crois que ce qui m'a interpellée dans cette histoire, c'est à quel point les journalistes qui ont révélé ces affaires et ensuite, qui ont commenté beaucoup tous ces faits divers, en fait, n'avaient aucune pitié pour les enfants, parce que c'est des enfants, c'est des mineurs, et donc c'était, je ne sais pas quoi, l'ensauvagement de la jeunesse.
Fanny Taillandier:Il faudrait des réponses pénales fermes, il faudrait les mettre en prison, il faudrait supprimer les réseaux, enfin, des trucs très d'autorité, sans jamais se mettre à la place de se dire mais qu'est-ce qui ne va pas en fait? pourquoi des gamins de 17 ans se retrouvent avec une arme entre les mains et se disent qu'ils n'ont pas le choix et qu'il va falloir qu'ils tirent? Je trouve qu'en tant qu'adulte, ça pose une question Et donc j'avais aussi envie de me mettre un petit peu à leur place, même si, évidemment, ce n'est pas un livre réaliste et je ne me suis pas inspirée de l'histoire, mais juste d'essayer de dire peut quand on est adolescent, on n'a pas toujours les bonnes réponses, mais c'est des réponses qui sont apportées pour des choses encore une fois positives, qui sont apportées pour l'amour. Quand on lit les comptes rendus d'interrogatoire de ces jeunes garçons, il y en a beaucoup qui disent Oui, mais moi, je voulais aider ma mère parce qu'elle galère, en fait des choses très mignonnes.
Jocelyne Sema:Et c' le monde est tellement violent. Fanny, est-ce que vous écrivez pour élargir la perspective un tout petit peu des gens, pour qu'ils voient au-delà de l'apparence, pour qu'ils essayent de se mettre à la place des autres, de montrer un tout petit peu d'empathie? C'est quoi votre but derrière? Pourquoi est-ce que vous écrivez Surtout sur ce sujet-là, moi, buts terriens.
Fanny Taillandier:Pourquoi est-ce que vous écrivez Surtout sur ce sujet-là. En fait, moi, j'ai beaucoup appris de choses en lisant des livres, en lisant des romans. J'ai énormément appris sur mon pays, mais aussi sur ce que peuvent ressentir les gens. Effectivement, lire des romans, ça permet de se mettre à la place. En fait, on vit les émotions d'autres gens. On vit les émotions d'autres gens Et ça, pour moi, c'est extrêmement important. Donc, évidemment, comme je le vis, j'ai tendance à croire que ça fonctionne, c'est-à-dire que si je fais un livre et que des gens lisent, ils pourront vivre à la place d'eux. Peut-être que ça marche, peut-être que ça ne marche pas, encore une fois, je peux juste essayer de le faire bien, en fait, je crois que la littérature, ça permet de parler du présent d'une façon plus ambigüe que ce qu'on trouve dans le journal ou quand on écoute un débat politique, etc. Qui sont des choses très bien, où, en fait, tout le monde affirme. Moi, ce que j'aime bien, c'est quand on nuance, et j'aime bien qu'on ne puisse pas juger, et c'est pour ça, encore une fois, ça, encore une fois, c'est là le nouveau livre, mais comme les précédents, en fait, dans Farouche, c'est pareil.
Fanny Taillandier:Les personnages, ils ont des sangliers qui viennent s'établir chez eux. Donc, d'un côté, ils ont envie que les sangliers se barrent et, d'un autre côté, ils n'ont pas envie de mettre des murs, parce que tous leurs voisins mettent des murs avec des caméras de surveillance et eux, ils ne veulent pas faire ça. Ils sont coincés dans des ambiguïtés. Et je trouve que être humain, c'est ça Et que quand on reconnaît que tout le monde est ambigu, on va commencer par soi-même. On est moins méchant quand on juge les autres, on est moins sévère, on a plus de Oui, on pardonne plus facilement Et que ça, peut-être, c'est aussi du tout différents. On vit dans le même pays et on est les mêmes gens Et j'aime bien l'idée que la littérature puisse remettre un peu d'espace de doute. C'est du doute, c'est juste douter que l'autre est vraiment mauvais ou vraiment héroïque. On peut se remettre un peu en doute, c'est tout.
Jocelyne Sema:Et puis, une fois que le livre est publié, quel que soit le livre, c'est quoi votre relation avec les lecteurs? Est-ce que vous allez vers eux? Vous lisez les critiques? Comment ça marche lorsque vous êtes dans les salons?
Fanny Taillandier:Alors ça, c'est une bonne question. En général, quand je vais dans les salons, c'est quand il y a des rencontres, donc, en fait, il y a des tables rondes ou une interview, donc je parle sur une scène, je crois. Donc, ça fait un premier temps de parole, mais qui est asymétrique. Après, pendant les signatures, ça dépend, parce que c'est assez difficile. Déjà, il y a beaucoup de lecteurs qui sont très intimidés quand ils viennent demander une signature et puis qu'ils disent juste, c'est pour Gull ou truc, et ils ne disent pas un mot de plus, ils ne veulent pas déranger. Enfin, ils sont intimidés par. Donc, ça, c'est une première chose. Et puis, moi aussi, en fait, c'est très difficile de Enfin, je n'ai pas envie d'avoir l'impression ou de donner l'impression de racoler pour qu'on lise ma livre.
Fanny Taillandier:Je n'ai pas envie de faire des caisses, je suis assez, je pense que je ne suis pas quelqu'un, même dans la vie, je suis quelqu'un d'assez, comment dire, un peu timide. Mais de là à mettre de l'interpersonnel, rapidement, c'est quand même assez difficile. Donc, voilà, je sais pas trop, je saurais pas trop dire. Ce que je sais, c'est que plus la presse, bon évidemment, c'est toujours bien pour le livre, mais quand c'est un lecteur ou une lectrice qui dit j'ai adoré ce livre. Ça, ça fait toujours beaucoup plus plaisir qu'un article, en fait, même si l'article est le jeu. En fait, quand quelqu'un prend la peine, même si c'est dans le monde, oui, parce qu'un critique, il est payé pour Déjà, il est payé pour faire sa critique, et puis il est aussi spécialiste. Donc, en fait, il va avoir un avis de spécialiste. Le plaisir de lecture, c'est qu'on peutux Et on sent que ça vient du cœur et que c'est pas parce qu'il y a un système économique et médiatique autour. Pour ça, c'est vraiment le plus encourageant, c'est ça qui donne l'envie de continuer.
Jocelyne Sema:Fanny, vous êtes une auteure reconnue. vous avez plusieurs prix. Si un jeune auteur francophone français vient vers vous et il débute dans son rêve de devenir auteur, c'est quoi les conseils que vous lui donneriez?
Fanny Taillandier:D'abord d'y croire, parce que c'est très difficile de croire. En fait, c'est la seule solution pour finir un livre. Et le deuxième conseil, c'est de finir le livre. Quand on commence, il faut finir, et c'est très dur. mais en fait, un livre, il n'existe pas tant qu'il n'est pas terminé. Non seulement il n'existe pas tant qu'il n'est pas terminé, mais il n'existe pas tant qu'on ne l'a pas fait lire. Donc, il faut avoir le courage d'aller jusqu'au bout de son idée Et même si c'est pas grave, il faut le faire lire, parce que c'est là qu'il n'y a pas d'œuvre. Si on prend un morceau de musique, un morceau de musique que personne n'entend, ce n'est pas de la musique, ça n'existe pas. En littérature, c'est pareil. Ça, c'est vraiment important, parce que croire en soi et ne pas remettre en question à partir du moment où on a décidé ça, c'est déjà l'essentiel.
Fanny Taillandier:puis après, le seul conseil valable, c'est le travail. les gens qui disent il y a du talent, c'est du talent, c'est du génie, c'est non, en fait, c'est du travail, c'est beaucoup de lecture et beaucoup de reprise, être humble et puis retravailler, comme les sportifs, toutes les choses qui sont mises en effort. mais je crois pas en tout. Je crois que ça peut exister, mais en fait, ça existe une fois par siècle. Quand on regarde dans les siècles passés, de combien de personnes on s'est souvenu, il n'y en a pas beaucoup. Il y avait beaucoup plus de gens qui se prenaient pour des génies. Ce n'est pas tant cette histoire de talent, c'est vraiment croire en soi et travailler.
Jocelyne Sema:Alors, fanny, on va passer à une phase un tout petit peu plus ludique de l'entretien. On une phase un tout petit peu plus ludique de l'entretien, on a des petits jeux sur 4e de couverture. Donc, aujourd'hui, je vais vous proposer ce qu'on appelle le cadastre des mots. D'accord, je vais vous donner une petite liste de mots et puis vous allez me dire tout ce qui vous vient en tête par rapport à ces mots. Je ne sais pas trop, je vous donne un mot et puis, ok, oui, ne réfléchissez pas trop, je vous donne un mot et puis ce qui vous vient en tête. Alors, je vais commencer à Empathie.
Fanny Taillandier:Empathie, qu'est-ce qui me vient en tête? c'est en voie de disparition. Je pense qu'on a tellement de d'informations horribles qui nous viennent, et qui nous viennent toujours à distance, par écran interposé, qu'en fait on n'arrive plus à être empathique, parce que quand on se met à être empathique, on devient fou. C'est tellement de choses qui arrivent en même temps qu'on est obligé de se mettre des limites, on est obligé de pas regarder, etc. Et que, du coup, en fait, on est en train de perdre en empathie. Et c'est paradoxal, parce que je pense qu'on perd l'empathie pour des gens qui sont plus loin de nous et, en même temps, pendant des générations, on a vécu sans savoir ce qui se passait loin de nous. Donc, c'est assez étrange, mais en tout cas, c'est quelque chose que je trouve assez inquiétant. On est habitués, en fait, à, on est habitués aux mauvaises nouvelles, on est, on est habitué à des chefs de guerre et à des tyrans qui martyrisent des peuples entiers, qui affament des enfants. En fait, on est obligé de s'en protéger, on est obligé de se protéger Exactement.
Jocelyne Sema:c'est drainant.
Fanny Taillandier:Ça devient horrible. C'est très effrayant. Je ne sais pas quelle est la solution Mémoire, mémoire, mémoire, mémoire. Peut-être que c'est ce qui différencie les humains des autres animaux, quoique je crois que les chiens ont de la mémoire. On s'est rendu compte que les chiens, avec la mémoire, les animaux, les gros animaux, comme les chiens, ont de la mémoire. Mais en tout cas, je crois que c'est ce qui rend, je crois que c'est ce qui rend, c'est presque ce qui fait qu'on a une âme, en fait, c'est presque ce qui nourrit notre âme, c'est-à-dire qu'en fait, le passé continue à exister à l'intérieur de nous, le passé qu'on a vécu, et que, finalement, c'est ça qui donne l'éternité, qui donne l'immortalité. En fait, tout ça, c'est parce qu'à l'intérieur de notre souvenir, par exemple, les morts continuent de vivre, à l'intérieur de nos souvenirs. Donc, en fait, ils sont immortels, et donc, il y a quelque chose de vraiment quasiment divin, en fait, dans la mémoire, je pense dans le souvenir en tout cas, et même dans la mémoire collective aussi, effectivement.
Fanny Taillandier:Oui, bien sûr, utopie, Utopie, déjà. C'est un texte que j'aime beaucoup, le texte original qui s'appelle Utopie de Thomas More et qui est souvent peu connu parce qu'on se souvient du nom et on sait parfois que c'est Thomas More qui l'a écrit. Mais quand on le lit, c'est assez intéressant, parce que c'est pas seulement une sorte de conte, c'est aussi une critique très, très forte. Le texte commence par une critique, qui dure au moins 50 pages, de la politique anglaise et de la politique française au XVIe siècle Et, en fait, il s'énerve vraiment très fort sur les guerres menées par les rois d'Angleterre et de France et sur leur façon de traiter les pauvres, leur façon d'appauvrir les gens, etc. Donc, il y a vraiment, en fait, dans l'utopie quand on dit utopie aujourd'hui, on dirait que c'est l'inverse de la politique alors qu'en fait, dans le modèle initial, l'utopie, c'est un texte politique et c'est un texte polémique, critique, et d'ailleurs, thomas More a été finalement condamné à mort par Laurent Langletard, ce qu'on oublie aussi assez souvent. Donc, voilà qui aurait du mérite à être plus lu, je pense, qui peut encore vraiment nous apporter beaucoup de choses Et que je fais d'ailleurs souvent avec des élèves, et les élèves aiment beaucoup ce texte aussi. C'est quand même très drôle. Par exemple, toutes les maisons sont pareilles pour l'égalité.
Fanny Taillandier:Donc, ça, ça pose problème. C'est ambigu, la littérature est ambiguë. Les gens ont pas envie d'habiter tous dans empreintes. Empreintes, ça m'évoque les sanglignons, les petites traces de pas qu'on peut voir quand on est un peu en dehors des villes. Dès qu'il n'y a plus de béton, il y a beaucoup d'empreintes qui restent. Ça m'évoque aussi les peintures dans les grottes, les peintures des hommes et femmes préhistoriques. J'ai lu d'ailleurs récemment un livre assez beau sur ça, un livre de Anne.
Fanny Taillandier:Lorcaire une autrice de Polard et qui a fait un livre qui se passe pendant la préhistoire et qui essaye d'expliquer pourquoi les humains ont posé leurs mains et qui inventent, parce qu on ne peut qu'inventer ce qu'il voulait dire par là. C'est assez fou. Et en même temps, c'est les mêmes mains que nous. C'est exactement nos mains.
Jocelyne Sema:Un dernier mot, silence.
Fanny Taillandier:Le silence, c'est le luxe absolu Et en même temps, c'est très effrayant. C'est quand même un luxe absolu De dormir dans le silence, par exemple, quelque chose qui n'est pas donné partout, ni à tout le monde, Et en même temps, être dans le silence. Des fois, ça fait peur, mais c'est là qu'on s'entend bien aussi. On a bien été là.
Jocelyne Sema:Alors, pour finir, horizon.
Fanny Taillandier:Quel beau mot. Déjà. C'est un des mots qui, au pluriel, devient féminin. En coréen, on dit de belles horizons. Ça, je ne savais pas. C'est un horizon comme l'amour d'ailleurs Ça, oui, je le savais Ça, c'est déjà une chose de l'eau Et l'horizon, et vous regardez à l'horizon en même temps.
Fanny Taillandier:Oui, je suis dans un appartement assez haut, donc il y a une vue un peu dégagée. J'ai vu quelque chose récemment sur l'horizon, et je ne sais plus ce que c'était, mais c'était quelque chose sur l'idée que l'horizon est toujours flou, mais que c'est peut-être même pour ça qu'il est important de le regarder. Parce qu'on ne le voit pas. en fait, c'est beau ça.
Jocelyne Sema:Oui, j'avais-ce qui vous plaît le plus dans votre rôle d'enseignante, ça a du sens.
Fanny Taillandier:C'est un métier qui a du sens. C'est comme la parabole du sommeur dans la Bible on jette à poignet des graines et on ne sait pas ce qui va pousser, mais en tout cas, il faut jeter à poignet pour que ça pousse. Et ça, c'est à la fois ce qui fait que ce métier est très fatigant. C'est vraiment un métier qui est franchement le plus fatigant que j'ai fait. Après, je n'ai pas fait du bâtiment, des tâches de force, mais c'est quand même un métier qui est vraiment très fatigant. Mais ce truc où, déjà, on crée un lien avec un groupe qui est complètement aléatoire Les élèves ne se sont pas choisis, on ne les choisit pas et ils ne choisissent pas leur propre On se retrouve dans une salle pour un an sans avoir décidé ça, ça crée un lien quand même.
Fanny Taillandier:De temps en temps, on sent qu'il y a quelque chose qui est, il y a une fenêtre qui s'ouvre dans la tête des enfants, ça, c'est très beau. Après, il faut être humble. Ça ne sert pas forcément à grand-chose d'apprendre la littérature, etc. Mais apprendre sa langue Moi, je suis pas du français, donc, en fait, c'est améliorer son rapport à sa propre langue, savoir mieux s'exprimer, savoir langue, savoir mieux s'exprimer, savoir lire plus facilement, et tout. C'est des choses qui sont évidemment très importantes pour avoir ensuite une vie de citoyen ou citoyenne Si on veut quoi.
Fanny Taillandier:Mais ouais, c'est ce truc d'ouvrir de temps en temps, d'ouvrir un petit, on sent qu'il y a quelque chose qui s'est ouvert quelque part. Ça, c'est magnifique Et ça arrive souvent Pas très souvent, mais en même temps, on ne sait pas, on ne peut pas savoir. Des fois, il y a des élèves qui viennent à la fin de l'année qui disent Ah, madame, c'est formidable, je n'oublierai jamais, etc. Mais la plupart, ils disent Au revoir, madame, bonnes vacances. Et de profs ou d'instructeurs qui ont tout changé, et souvent, on ne leur a jamais dit à ces gens, mais on s'en souvient encore Et ça, c'est quand même très fort.
Jocelyne Sema:C'est triste un peu quand on y pense.
Fanny Taillandier:C'est pas grave, c'est secret, c'est un grand secret.
Jocelyne Sema:Annie, l'entrevue tire à sa fin, Mais j'ai une dernière question pour vous, qu'est-ce? que vous voudriez que ceux qui nous regardent ou ceux qui nous écoutent gardent de vous? Oh, là, là.
Fanny Taillandier:C'est pas facile. Je sais pas, peut-être que c'est juste cette idée, que, en tout cas, pour moi, l'idée la plus importante, c'est que la fiction, même si c'est faux, ça permet de comprendre le monde et qu'en fait, on peut chercher en imaginant, mais c'est pas parce que c'est de l'imaginaire qu'on n'apprend pas, et ça, je trouve que c'est quelque chose qui est très dévalué, parce qu'en plus, comme il y a toutes ces histoires de complotisme, etc. En fait, dès que les choses, ne suis pas en train de dire que le complotisme a de l'importance. Par contre, dans l'art, le fait de croire à des histoires fausses, des fois, c'est ce qui permet d'aller le plus loin. Peut-être qu'il faudrait essayer de garder plus de place pour ça, pour imaginer des choses qui n'ont pas lieu, mais qui pourraient avoir lieu.
Jocelyne Sema:C'est beau. Merci beaucoup, Fanny.
Fanny Taillandier:Merci à vous pour l'invitation.
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